Malgré les scandales, Victoria’s Secret fascine. Comment une marque de lingerie arrive-t-elle à avoir autant d’attractivité ? Mais si c’était une championne du marketing à ce moment-là, Victoria’s Secret n’a pas su évoluer en même temps que sa clientèle.
On décrypte.
Victoria’s Secret, les anges et son marketing
Avec un packaging et une couleur rose méga reconnaissable et des boutiques ornées de strass et de dentelles présente dans tous les aéroports, la marque à su s’imposer dans le monde entier comme une icône dans le monde de la lingerie, en faisant la promotion d’une image de la femme sensuelle et féminine.
Et les femmes qui incarnent cette image, ce sont les “anges” de Victoria’s Secret : des mannequins aux mensurations quasi-irréalistes. En effet, pour espérer décrocher un contrat, il faut mesurer minimum 1,70 mètre, avec environ 60 centimètres de tour de taille, 86cm de tour de poitrine et 87cm de tour de hanches. Les femmes sélectionnées sont généralement très jeunes : entre 18 et 22 ans. Parmi les plus connues : Adriana Liman, Karolina Kurkova, Claudia Schiffer, Miranda Kerr, Tyra Banks, Gisele Bündchen…
Mais ces mensurations ont un prix : une alimentation très stricte sans gluten, ni sucre, ni laitages et une activité sportive intense et quotidienne. Avec le développement des réseaux sociaux, la marque se sert de ses mannequins pour promouvoir un “lifestyle à la Victoria’s Secret”. Un lifestyle néfaste qui donne une image déformée du corps de la femme tout en idéalisant un mode de vie qui n’a rien de sain ou naturel.
En axant sa communication sur les anges, l’objectif était de rendre la marque séduisante et de vendre du rêve aux jeunes filles pour qu’elles aient envie de leur ressembler, tout en faisant de la femme un objet de séduction. La marque se démarque par un défilé somptueux durant lequel ses anges défilent : c’est un vrai spectacle, luxueux et affriolant.
Les débuts de la marque Victoria’s Secret
Victoria’s Secret : une marque pour les femmes, créée par un homme. Car c’est bien un homme qui en est à l’origine : Roy Raymond et son épouse ont créé Victoria’s Secret en 1977 à San Francisco en Californie. Leur objectif était de proposer une marque à la fois accessible en termes de prix et chic. Mais c’est Leslie Wexner qui a fait de Victoria’s Secret ce qu’on connaît aujourd’hui. Ce même homme, accusé en 2021 d’avoir laissé Jeffrey Epstein abuser de jeunes filles dans son manoir dans l’Ohio.

Une habituée des scandales
Victoria’s Secret a enchaîné les polémiques comme avec sa campagne de com “The perfect body” en 2014 qui avait fait pas mal réagir les internautes. Une pétition avait été lancée pour exiger de la marque d’arrêter de “bodyshamer” les femmes. Une enquête avait été publiée et signée par plus de 100 mannequins sur le New York Times pour dénoncer les dessous de la marque de lingerie.
Comment la marque Victoria’s Secret essaie de se réeinventer
Place au changement…
Depuis quelques années Victoria’s Secret est en perte de vitesse : elle enchaîne les mauvaises communications et les ventes sont à la baisse. En 2018, l’action Victoria’s Secret a perdu 40 % de sa valeur, la même année où le directeur marketing a tenu des propos grossophobes et transphobes.
J’ai vu ce recul d’un oeil très positif : le regard des jeunes générations change la donne. La femme parfaite et sexualisée/sexy ne fait plus rêver. On veut voir plus de diversité et le vrai corps des femmes, et ça conduit au boycott d’une des plus grandes marques de fast fashion / lingerie au monde.
En 2021, le patron de Victoria’s Secret faisait son “mea culpa” en expliquant qu’ils avaient raté le coche, et ce n’est pas étonnant : la marque vendait sur du fantasme. Aujourd’hui faire rêver ne suffit plus, il faut du réel et c’est pour cela qu’elle s’est lancée dans une grande refonte marketing. La marque affiche désormais de nouvelles ambassadrices, avec plus de diversités et d’inclusivité. Victoria’s Secret ne montre plus que des corps mais aussi des personnalités et des valeurs, en choisissant par exemple des icônes féministes et engagées comme Paloma Elsesser, Adut Akech, Bella Hadid, Amanda de Cadenet ou Eileen Gu.
…et à l’opportunisme
Ce début d’année 2022 ne convainc pas les clientes. La marque surfe clairement sur la tendance du body positive pour rattraper son retard et essayer de sauver ce qu’il reste de son image. Mais trop de toxicité a terni l’image de la marque et son changement de stratégie a du mal à convaincre car on sait qu’il n’est pas sincère.
Victoria’s Secret : Fast Fashion et manque d’éthique
Même si côté produits, on évolue quand même (finis les paillettes et place au confort), Victoria’s Secret reste une marque de Fast Fashion. Elle utilise les codes du luxe pour vendre des produits de qualité moyenne. Les matières sont essentiellement synthétiques comme du modal, du stretch, de l’élasthanne mais aussi du coton conventionnel… Rien d’écoresponsable.
Et pour la fabrication ce n’est pas mieux : Victoria’s Secret aurait exploité des enfants, en les faisant travailler dans les plantations de coton du Burkina Faso. La marque a également été accusée de ne pas avoir payé ses fournisseurs en Thaïlande et pour avoir recours au travail forcé des Ouïghours. En Mai 2022, après un an de mobilisation, la marque débloque 8,3 millions de dollars pour 1.250 ouvrières thaïlandaises licenciées sans indemnités.
Des faits qui auront du mal à être effacés, même par le meilleur des marketing.