Si vous aimez la mode et que vous avez moins de 30 ans, vous n’êtes sans doute pas passé à côté du phénomène Shein. Mais au-delà, et si vous n’avez jamais mis les pieds sur TikTok, il est probable que vous n’en ayez jamais entendu parler. Et pourtant, c’est une marque de mode qui cartonne. Des vêtements ultra tendances vendus à des prix très bas. La recette gagnante d’une entreprise à succès. Shein s’inscrit parfaitement dans ce qu’on appelle aujourd’hui l’ultra fast fashion. Cependant, ce renouvellement effréné des collections et ses prix toujours plus attractifs cachent des pratiques douteuses.
On décrypte.
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La marque de mode Shein
Shein est une marque de mode chinoise, fondée par Chris Xu (Xu Yangtian) en 2008. Tous les vêtements sont fabriqués en Chine. Robe à 10€, pantalon à 8€, top à 3€… Les prix sont ridicules pour des vêtements au look attractif, très “fashion”. L’offre est très orientée vers les femmes. Mais la marque propose aussi des vêtements homme et enfant, et divers accessoires de mode. Shein se veut même une marque de mode inclusive, puisqu’elle propose des tailles jusqu’au 4XL.
Shein est une marque bien connue des modeuses. Elle propose des vêtements de mode au style bien défini et à des prix extrêmement bas. Cependant, c’est également une marque très controversée. Elle chamboule les codes mêmes de la fast fashion en allant plus vite, plus loin et avec des prix encore plus bas.
En outre, Shein est une marque 100% digitale. Elle fait peu de communication. Pourtant en 2021, son site a été le site de mode le plus consulté au monde. Son application a été la plus téléchargée en 2021 aux USA, devant Amazon.
Shein utilise essentiellement le marketing d’influence et sa popularité sur les réseaux sociaux pour vendre. La marque a mis en place un partenariat inédit avec des bloggeuses en leur faisant miroiter des vêtements gratuits.
La clientèle Shein
Shein s’adresse aux jeunes, en particulier aux jeunes filles. Et c’est un atout que la marque a su saisir : les jeunes clientes deviennent des ambassadrices qui partagent par elle-même leurs achats (avec les fameux HAUL par exemple). Avec déjà des faibles coûts de production, Shein économise en plus sur ses actions de communication.

Et des techniques de communication abusives :
Shein utilise toutes les techniques marketing douteuses pour pousser ses clients à l’achat : promo, ventes flash, comptes à rebours, rupture de stock… Sur son application, Shein échange des “points” contre des avis ou des notes qui vont encourager d’autres clientes à passer à l’achat. Ces points pourront ensuite être échangé contre des codes promos ou des avantages. Une vraie addiction.
L’impact environnemental de Shein
Shein se démarque par son renouvellement inédit de collections : des milliers de nouveaux vêtements sont postés sur le site chaque jour. Elle encourage à la surconsommation.
Le prix étant tellement bas, on induit le consommateur à penser qu’il peut s’acheter de nouveaux vêtements tous les jours sans qu’il n’y ait aucune conséquence. “Ce n’est pas grave, pour 10€ si je ne le mets pas, je m’en débarrasserais”.
Hors, la qualité des vêtements Shein est assez mauvaise, bien que quand on regarde un vêtement Shein on ait l’impression qu’il soit durable. Mais les vêtements sont produits très rapidement et avec des fibres polluantes (polyester, nylon ou autres matières synthétiques), voire même des substances nocives comme le plomb. La présence de plomb est à priori limité par les normes européennes, mais un documentaire de Martin Weill sur Shein explique que les vêtements Shein dépasse largement ces normes.
Shein est une donc une parfaite illusion.
Un vêtement d’ultra fast fashion ne peut pas être éternellement reportés car ils se dégradent rapidement. Ils sont impossibles à recycler et termineront probablement dans la nature, comme au Ghana – la poubelle textile du monde.
“C’est pas grave, je le vendrai sur Vinted !”
Acheter depuis l’Europe vers la Chine, ce n’est pas si évident : si les vêtements ne vont pas, par exemple, faire un retour n’est pas toujours intéressant mais avec une solution comme Vinted, l’impact pour le consommateur est moins grave : il peut acheter, puisqu’il pourra revendre ses vêtements sans problème si besoin. Sans le vouloir, Vinted participe à encourager un phénomène de surconsommation des produits Shein et à l’attractivité de la marque.
De plus, on ne fait pas l’impasse sur l’impact de la livraison (les colis traversent la planète quand même) et sur les packagings utilisés : beaucoup de plastique pour emballer ses vêtements.
Et la mode éthique dans tout ça ?
Shein est capable de copier un vêtement (de voler des styles), produire un vêtement, les photos, de le mettre en ligne et de le vendre en quelques jours seulement. On parle de 3 jours. Des nouveautés sont en ligne tous les jours (avec 600 000 produits disponibles en ligne). Ce qui est normalement impossible. Shein, comme les autres marques de l’ultra fast fashion, va plus loin que les marques de fast fashion comme Zara ou H&M qu’on connait bien. Mais à quel prix ?
Plus de 1000 usines produisent pour Shein. Mais, sans surprise, on ne peut pas renouveler des collections en trois jours et proposer un rythme de travail cohérent sur l’ensemble de la chaîne de production. La productivité a un prix et ce sont les ouvriers qui le paient : salaires sous-payés, insécurité, pas de congés, surcharge de travail (75 heures par semaine !), pas de contrat de travail…. Les conditions de travail dans les usines Shein sont effrayantes. Suite à un rapport de PublicEye publiée en 2021, qui dénonce certains fournisseurs de Shein à Guangzhou en Chine, la marque s’est engagée à enquêter auprès de ses fournisseurs…
Shein : une marque à éviter ?
En fait si vous aimez la mode, mais que vous avez envie de vivre dans une planète correcte, Shein est une marque éviter. En achetant chez eux, on contribue à alimenter un système qui ne fait qu’épuiser les ressources environnementales et humaines. Hors les marques de mode ont une extrême responsabilité : si elles se doivent d’être complètement transparentes, on se doit – nous consommateurs et consommatrices – d’être exigeant.e.s envers elles.
A nous également de nous responsabiliser en ayant un rapport à la mode plus responsable. Alors, évidemment, ceci est à prendre avec des pincettes, car on a tous une vie et des moyens différents, et qu’on fait parfois (souvent) avec les moyens qu’on a et comme on le peut !
Soyons clairs : personne ne vous dira quoi que ce soit si vous achetez très peu de vêtements et que vous les achetez chez une marque de fast fashion ou d’ultra fast fashion. Les prix accessibles sont compréhensibles. Ce qui pose problème c’est la surconsommation de ces vêtements bon marché et qui engendre une catastrophe environnementale.
En fait, à vous de vous poser les bonnes questions : pourquoi choisissez-vous cette marque et si vous le souhaitez, avez-vous la possibilité d’acheter ailleurs ? A l’échelle individuelle, nous ne sommes pas responsables du désastre d’un système entier. Mais j’ai la profonde conviction que nous avons tous et toutes la possibilité d’influer sur ce système. Achetons en conscience. 😉
On ne le dira jamais assez : mais les marques continuent de vendre parce qu’il y a des clients pour acheter. Il est donc de notre responsabilité à tous de choisir le type de monde que nous avons envie de construire à travers nos achats.
Sources :
- Public Eye révèle la face cachée du géant chinois de la mode Shein – PublicEye
- Le documentaire “Victimes de la mode – quels sont leurs nouveaux codes Martin Weill – à voir sur TF1