Instrumentalisation des médias, dénigrement des scientifiques, désinformations, réseaux sociaux… Don’t look Up est une parfaite satire de notre société contemporaine. C’est un film qui s’apprécie dans les détails et qui comporte un nombre incalculable de clins d’oeil à nos modes de vie. Rien n’est choisi au hasard. Les parallèles avec nos actualités sont tels que nous observons plutôt un miroir de ce que nous sommes en train de faire à notre planète.
Warning : cet article contient de nombreux spoilers. Il convient donc de le lire après que vous ayez vu le film afin de pouvoir apprécier cette analyse et en débattre en commentaires. 😉
Bonne lecture !
- Lire aussi :
- La liste de documentaires et de films engagés
Présentation
Don’t Look Up, réalisé par Adam McKay et déjà numéro 1 sur Netflix dans 94 pays, nous offre un casting de luxe avec un casting de rêve : Léonardo DiCaprio, Jennifer Lawrence, Meryl Strips, Ariana Grande, Cate Blanchett, Rob Morgan, Thimothée Chalamet… On a même droit à une apparition de Chris Evans.
C’est une superproduction à 75 millions de dollars du géant Netflix, et qui s’impose comme le film le plus vu pour sa première semaine d’exploitation et fait énormément parler de lui.
Le synopsis
Kate Dibiasky (Jennifer Lawrence) est une jeune doctorante en astronomie, qui travaille avec d’autres élèves du Michigan State dans le laboratoire du Professeur Mindy (Léonardo DiCaprio). Elle est en train d’étudier des explosions d’étoiles. quand elle repère une nouvelle comète dans l’espace. Ce qui s’apparente d’abord à une incroyable découverte, vient révéler une terrible vérité : la comète se dirige tout droit vers la Planète Terre, et sa taille est telle que sa collision entrainera la destruction de toute vie sur Terre. Le compte à rebours est lancé : l’extinction de la vie sur Terre est programmée dans 6 mois et 14 jours.
S’en suit une course contre la montre avec ce qui semble être l’un des plus grand défis de l’humanité : écouter les scientifiques.
Les personnages principaux
Léonardo DiCaprio ne nous présente pas forcément son meilleur rôle, mais il dépeint à la perfection le portrait du scientifique désabusé. Jusqu’au bout le Professeur Mindy garde l’espoir fou que le gouvernement américain prenne la menace de la comète au sérieux. Père de famille, discret et très stressé, il était déjà fortement dépressif avant cette découverte. La comète aura simplement finit par donner un peu de lumière à ses travaux. A priori peu à l’aise en publique, il ne supporte pas d’être le centre de l’attention, mais finit par accepter de jouer les astronomes canons pour pouvoir faire entendre son message.
Jennifer Lawrence, quant à elle, est aussi extrêmement convaincante dans son rôle. Elle représente une jeunesse rebelle, anti-conformiste et un brin révoltée. Elle finira par baisser les bras devant le manque d’engagements des grands décisionnaires.
Dénigrement des scientifiques
A la minute même où le duo Mindy/Debiasky essaie d’entrer en contact avec le chef du bureau de coordination de la défense planétaire de la NASA (oui ça existe, merci Wikipedia ! 😅), ils sont peu pris au sérieux. Ils patienteront plus d’une journée avant d’être reçus par la présidente… Tout ça pour devoir expliquer en 20minutes que tout le monde va mourrir à cause d’une comète tueuse de planète.
La présidente Orlean leur demande “de patienter et d’aviser”. On la sent peu concernée et trop préoccupée par les résultats de son mi-mandat. Son fils, Jason, est quant à lui plus stressé par la manière de s’exprimer du Professeur Mindy que par ses propos.

Le film met l’accent sur les conflits d’intérêt. La directrice de la NASA, par exemple, est une ancienne anesthésiste, qui ne vient pas du tout du milieu scientifique et qui est absolument corrompue (allant jusqu’à démissionner pour que la Présidente puisque conserver sa crédibilité).
Les deux scientifiques Mindy et Dibiasky finiront par décider de prendre les choses en main et de faire fuiter l’info dans les médias pour alerter les populations.
Instrumentalisation et influence des médias
Les médias dans Don’t Look Up sont représentés par Daily rip, une chaîne d’infos, et qui semble avoir le monopole médiatique.
Brie, interprétée par Cate Blanchett, est une journaliste alcoolique, obsédée par son apparence, et dont la vie se résume à ses conquêtes sexuelles, ses voyages et un étalage de ses biens matériels.
Le film met le doigt sur un problème majeur : ce sont les médias qui dominent la pensée publique et ces mêmes médias sont complètement instrumentalisés par ceux qui nous dirigent. Il y dénonce le sarcasme médiatique, avec notamment des gros titres absurdes et décalés : “Faut il en vouloir à Kate Dibiasky d’avoir découvert la comète ?”. Ils décrédibilisent Kate, faisant d’elle une parias, moquée, et diabolisée sur les réseaux sociaux. Son ex petit-ami se sert d’ailleurs de leur relation pour écrire des articles “pute-à-clics” et s’enrichir en publiant un livre.
Les médias jouent également un rôle en sexualisent le Professeur Mindy – “l’astronome le plus sexy d’Amérique” – pour qu’il passe mieux à l’écran. Ils font de l’actualité – et de la science – un vrai divertissement. On apprendra d’ailleurs ce qu’est le Media training*.
“C’est notre manière de faire ici, on dédramatise les mauvaises nouvelles, pour faire passer la pilule”.
Brie – Don’t Look Up
Une scène du film fait incroyablement écho à la façon dont la jeune journaliste Salomé Saqué est moquée lorsqu’elle tente d’alerter sur le réchauffement climatique sur le plateau de 28 Minutes sur Arte.
Le film pousse la satire jusqu’au bout : on a droit au spot publicitaire qui met en scène une mère de famille concernée par l’avenir de ses enfants (même si elle est heureuse de constater que la comète “va créer des emplois”) et aux sondages qui contribuent à manipuler l’opinion publique. Jusqu’aux dernières heures avant l’explosion, des médias sceptiques resteront concentrés sur des sujets divers et futiles, comme “les infirmières sexy”.
Fun fact : le numéro vert que le public peut appeler pour avoir des informations sur la comète serait en réalité un numéro de téléphone rose.
Une caricature de la politique
Un des choix intéressants du film est d’avoir élue une présidente femme, brillamment interprétée par Meryl Strip. Mais comme la plupart de ses confrères masculins, son mandat est taché de scandales politiques, mauvaises publicités, déclarations offensantes et d’agressions sexuelles. La présidente Orlean est une caricature (avec de nombreuses références à Donald Trump), constamment focus sur les élections et obsédée par les sondages. Elle s’intéresse à la comète uniquement pour pouvoir faire oublier une photo scandaleuse et récupérer des voies à l’élection de mi-manda.
La présidente Orlean entretient une relation très superficielle avec son propre fils, Jason, qui fait tout le travail à sa place. Elle en viendra d’ailleurs à l’oublier à la fin et à fuir la Planète Terre sans lui. On a droit à un petit clin d’oeil lorsque le fils Orlean dit “Franchement si ce n’était pas ma mère…” en référence à Donald Trump qui avait tenu des propos similaires vis à vis de sa fille.
Critique du capitalisme
Le système capitaliste est représenté par le fondateur de la société Bash : Peter Isherwell. Gourou de l’informatique, son entreprise est leader de la téléphonie mobile et présente toujours plus d’innovations technologiques, à rendre jaloux n’importe quel épisode de Black Mirror.
Exemple : des téléphones qui anticipent ce qu’on veut avoir avant même de les vouloir nous-même (comme acheter un CD alors qu’on mentionne seulement le nom de l’artiste) ou qui sont capables de prévoir à plus de 96% comment on va mourrir.
Peter Isherwell est un personnage très caricatural, un mix entre Steve Jobs, Mark Zuckerberg, Jeff Bezos et Elon Musk. C’est un business-man qui ne s’assume pas, qui ignore complètement ses “fans” et est obnubilé par le progrès. C’est cette obsession qui conduira l’humanité vers sa destruction.
“Il ne s’agit pas de business, mais d’évolution”.
Peter Isherwell
Vu que Peter Isherwell contribue au financement de la destruction de la comète, il a tous les droits : l’argent est un laisser-passer. Il passe son temps enfermé dans un enthousiasme niais, proche du déni : “Tout va bien se passer”. Il est prêt à risquer la vie de l’entière humanité pour espérer collecter des métaux rares sur la comète, qui lui permettraient de faire face à la concurrence chinoise et de devenir encore plus riche.
Exploiter la comète pour en extraire les métaux rares est ici un excellent parallèle avec la façon dont nous exploitons la planète Terre, sans anticiper les conséquences sur notre avenir, voire tout simplement sur notre survie. C’est absurde quand on comprend que l’humanité va disparaitre et que certains préfèrent quand même se concentrer sur les profits à tirer.
Le fantasme de la conquête d’une autre planète est vite tournée en ridicule lorsque le petit groupe de survivant se retrouver camper au rôle de proie (Cf : La dernière scène après le générique).

Autre clin d’oeil : Peter Isherwell est surpris à sentir les cheveux de sa collaboratrice pendant leur présentation. Cette attitude fait référence au Président Américain Joe Bidden, critiqué pour son comportement très tactile envers les femmes, et pour lui même sentir les cheveux.
La dépendance aux réseaux sociaux
Dès le départ, le monopole des discussions sur les réseaux sociaux revient à la rupture de la chanteuse Riley Bina (interprétée par Ariana Grande) et DJ Chello. A eux deux, ils représentent la parfaite illustration du couple célèbre dont tout le monde s’occupe de la vie privée, et se préoccupe sans les connaitre. Le DJ finit d’ailleurs par demander en mariage Riley Bina en direct à la télévision (après l’avoir trompée). Les actus du couple Riley + DJ chello réunissent plus d’intérêts et d’engouements que la comète.
Riley Bina représente surtout le monde de l’influence et de la célébrité. Elle utilise sa notoriété pour reverser le bénéfice de la vente de ses disques à des associations de protection des animaux. Elle est très active sur les réseaux sociaux et a même donné un nom à sa communauté “vroum vroum”.
Mais le film met également l’accent sur les mauvais côtés des réseaux sociaux comme le bad buzz, généré pour se moquer de Kate. Le professeur Mindy, quant à lui, utilise sa nouvelle notoriété et ses 250 000 abonnés pour faire passer son message.
Le hashtag #dontlookup devient un mouvement politique qui divise les populations entre ceux qui osent “regarder en haut” et ceux qui se voilent la face (soutenus par le gouvernement d’Orlean) et qui devront attendre d’avoir la comète sous les yeux pour y croire.
Mais la notoriété et les réseaux sociaux sont utiles : l’équipe et le mouvement Don’t Look Up organise un concert de charité, pour lever des fonds afin de détourner la comète (projet qui sera interrompu par la cupidité du gouvernement américain).
Le rapport à la mort
Le film ouvre sur une citation :
Je veux mourir en paix dans mon sommeil comme mon grand-père. Pas en hurlant de terreur comme ses passagers.
Jack Handey
Au fur et à mesure de la prise de conscience de la comète, Don’t Look Up nous amène nous-même à nous questionner “comment nous aimerions mourir ?”
Alors que la comète peut enfin s’apercevoir depuis la Terre, le doute n’est plus permis sur la fin de la vie sur notre Planète. On nous montre alors différents comportements : la journaliste Brie qui préfère boire de l’alcool, des gens qui font l’amour, d’autres qui observent, qui travaillent, ne font rien, ont peur, ou s’occupent comme ils peuvent en attendant. On nous montre également des images de la planète, de la nature, de la vie.
Il y a quelque chose d’intéressant dans la réalisation : de nombreuses scènes sont interrompues de manière brutale pour enchainer vers une autre scène plus calme. Cette technique permet d’exagérer l’absurdité des scènes (comme quand Mindy se met à hurler sur le plateau du Daily Rip, avant de se retrouver avec un sac sur la tête par le FBI) ou leur désintérêt (lorsque Bash envoie ses machines détruisent la comète et que le film se recentre vers les personnages principaux). Au fur et à mesure que la comète approche, on sent que le rythme des scènes s’accélère vers la fin du film. Les scènes du gouvernement contrastent avec les scènes du duo Mindy/Dibiasky qui sont plutôt calmes et paisibles. Ils ont finalement acceptés leur sort et sont en paix avec l’idée que le combat est terminé.
Les amis Diabiasky et Mindy (accompagnés par Thimotée Chalamet dont le rôle est assez accessoire) vont d’ailleurs faire les courses. Ils s’offrent avec leurs proches un dernier repas, parlent de musique, de culture, de futilités… Ils se remémorent leurs souvenirs et profitent d’être ensemble une dernière fois.
Le Professeur Mindy va jusqu’à refuser la proposition de la Présidente Orlean de quitter la Terre. On sent qu’il a totalement perdu foi en l’humanité et n’a plus du tout envie de se battre pour sa survie. Il préfère rester avec ses proches jusqu’à la fin.
“On avait vraiment tout quand on y pense.”*
Professeur Mindy
Cette phrase aurait été improvisée par Léonardo DiCaprio. Elle résume parfaitement le constat de la fin film : l’humanité avait tout, et elle a tout perdu à cause de la cupidité et de la soif de pouvoir d’une minorité décisionnaire.
Mais pourquoi diable a-t-il fait payer pour des snacks gratuits ?
Don’t look Up est un film à apprécier dans les détails. Chaque scène, chaque dialogue a son importance. Même ceux qui à priori n’en a pas.
Par exemple, quand le Général Themes monnaie 10$ une bouteille d’eau et un paquet de chips, pourtant distribués gratuitement à la Maison Blanche. Jusqu’au dernier moment, l’absurdité de ce geste questionnera Kate, car cela n’a aucun sens. Et c’est bien ce que dénonce l’ensemble du film : l’absurdité du comportement humain, avec notamment la recherche constante de profit même lorsque nous n’en avons pas besoin.
En conclusion
Don’t Look Up est avant tout un cri d’alerte face à l’inaction de nos gouvernements pour faire face au réchauffement climatique. En effet, la comète qui va détruire la Terre est une analogie du dérèglement climatique. Pour Léonardo DiCaprio, ce film est une illustration de notre incapacité à écouter les vérités scientifiques. Un parallèle intéressant après la publication du dernier rapport du GIEC qui alerte sur les effets irréversibles du changement climatique et qui a fait beaucoup moins de bruit que Don’t Look Up depuis sa sortie.
Ce que le réalisateur a fait de si brillant, c’est d’utiliser une comète qui se dirige vers la Terre et la réaction de l’être humain à un niveau scientifique et politique comme analogie entre la culture moderne et notre incapacité à écouter la communauté scientifique. Ça m’a vraiment rappelé ce que c’était pour les scientifiques du climat, qui sont confrontés au scepticisme des gens chaque jour.
Léonardo DiCaprio
En outre, la comète est découverte 6 mois et 14 jours avant la collision avec la Terre. C’est une fenêtre temporelle très courte comparée aux 50 années depuis lesquelles les scientifiques nous alertent du dérèglement climatique.
Le film met l’accent sur le manque d’anticipation de nos gouvernements, et de notre capacité à nous croire supérieurs à la vie. Clin d’oeil final : en un coup de mâchoire, ceux qui ont tenté de défier le destin, se retrouve finalement en proie. Vouloir survivre à la comète, tout en faisant du bénéfice et en continuant notre vie, était un effort inutile et ridicule.
Don’t Look Up est une comédie, dramatique, certes, mais une comédie quand même. On a droit a beaucoup d’ironie et quelques traits d’humour.

Le film est très américano-centré. Même si on voit parfois quelques scènes qu’on devine comme étant localisées aux quatre coins du globe, l’intrigue se déroule exclusivement aux Etats-Unis, et à l’attention du peuple américain. Il nous présente un cliché de la société américaine qui passe son temps à regarder des émissions de tv-réalité. Il n’y a, par exemple, aucune présence française. Les américains finiront d’ailleurs par détruire la base russe qui tente de dévier la comète de son côté (référence à la guerre froide et au monopole des USA en tant que décisionnaire de l’avenir de la planète).
N’en déplaise à ceux qui le critique, Don’t Look Up est un bon film. Imparfait, certes, mais ça reste un film. Il a le mérite de faire parler de lui. C’est aussi le premier film de divertissement avec un message aussi clair : écoutez les scientifiques et prenez des mesures.
Just Look Up est plus qu’une invitation à “regarder vers le haut”. C’est un appel à l’action. Un cri d’alerte pour nous inviter tous et toutes à ne plus se voiler la face et affronter la réalité.
Pour aller plus loin
- Don’t Look Up : pourquoi cette scène a choqué les téléspectateurs – Cosmopolitain
- Léonardo DiCaprio dans une interview pour Netflix.
- Don’t Look Up : Tout ce qu’il faut savoir sur film – Huffington Post
- Exclusive Poll Shows: Most People Hate Hair-Sniffing – TheCut.com
- Le site https://dontlookup.count-us-in.com/
- *Le média training est une formation à la prise de parole en public pour communiquer devant les médias.